top of page

Nénette, repasseuse
de flou

 

Ensemble de 26 dessins,

sumi sur papier Kashiki,

dim. variables, 2019

Phonographie : Marc Pichelin

Exposition de fin de résidence à Pollen (Monflanquin) 

15/09/19 — 15/12/19

 

Ensemble of 26 painting, 

sumi on Kashiki washi, 2019

Phonography : Marc Pichelin

Artist residency exhibition at Pollen (Monflanquin, France)

15/09/19 — 15/12/19

Arrivée sur les lieux avec la volonté de porter attention à ce qui se passait juste là, sous mes yeux, j’ai tenté de faire la connaissance d’un espace, de ses habitants et de sa mémoire. J’ai d’abord parcouru les rues, puis des habitants m’ont ouvert leurs portes. C’est à la porte qui se situe face à la mienne que j’ai passé le plus clair de mon temps. Durant ces trois mois, j’ai tissé une relation particulière avec Nénette, repasseuse de flou. J’ai réalisé le portrait de cette femme à travers son métier. Née à Monflanquin et établie en tant que repasseuse spécialisée en 1959, cette femme exerce depuis ce métier qu’elle a choisi « par amour ». À travers ses gestes s’expriment générosité et humilité, mais se traduit également l’expérience d’une vie menée en retrait, qu’elle a accepté de partager avec moi.

À la fois infime et décisive, la finition est ici le coeur-même de l’ouvrage. Pratiqué selon des techniques anciennes (fers sans vapeur), le repassage de flou requiert d’infinies précautions pour rendre au vêtement sa beauté initiale, « pour que d’un chiffon en sorte quelque chose de toute beauté ». Nénette procède aux soins avec minutie, attention et patience. Pour un vêtement qui se trouvera froissé en un rien de temps, quatre heures sont parfois nécessaires pour effacer un faux-pli, tuyauter une dentelle ou lustrer un tissu ; mais durant ces quatre heures se développent sans relâche des gestes savants et précis, désireux de redonner vie. 

 

L’ensemble de dessins laisse entrevoir, avec pudeur, la repasseuse au travail. Selon leur propre langage, ce sont ses mains, mises à l’ouvrage, qui guident notre regard. Par le hors-champ, le flou s’installe dans les images. Ni le contexte temporel, ni le contexte spatial n’offrent un éclairage complet sur la nature des attitudes, des outils ou des gestes évoqués — des gestes qui semblent s’évanouir et dont la fragilité m’a fait ressentir l’imminence de leur disparition. J’ai travaillé avec ce pressentiment ; il y avait urgence à consolider quelques instants, avant qu’ils ne s’échappent furtivement. 

 

L’installation de ces dessins s’accompagne de son. Les phonographies proposées par Marc Pichelin empruntent une voie parallèle. D’une part, les paroles échangées et les sons discrets du travail nous sont donnés à écouter de manière fragmentaire. D’autre part, ces phonographies témoignent de la relation que nous avons établie ensemble, Nénette et moi. Le son n’explique rien du travail de la repasseuse. Il la fait entendre, il la rend présente. Il souligne la connivence et l’intimité qui se créent par le tintement timide des instruments, par le froissement des tissus ou par des paroles succinctes qui tentent de transmettre un savoir-faire. 

bottom of page